mardi 26 juillet 2016

Açores - Normandie, juillet 2016, bilan du voyage




       






Une dernière soirée aux Açores pour accueillir Christian, visiter le Rara Avis, de l’association du Père Jaouen, et rencontrer son équipage et saluer Gérard rencontré aux Canaries, puis en Martinique.







Nous avons quitté Ponta del Gada le 4 juillet 2016. Une fois n’est pas coutume, nous avons eu de la chance avec la météo : en infléchissant légèrement la route, nous avons navigué tout le temps au portant, avec un vent modéré. Pas souvent de soleil, mais une navigation confortable et rapide ; nous avons mis 9 jours de Sao Miguel à Saint-Vaast la Hougue et nous avons ancré à Tatihou le 13 juillet.










                          Un périple de 13 mois de navigation mérite bien un bilan.

      Pour ceux que cela intéresse, le voici.

     Tout d’abord, il y a une grande différence entre une navigation à la voile et un voyage à la voile. En navigation, on barre le bateau, on règle les voiles, on optimise le cap et les réglages, on cherche le meilleur bord et, en principe, on ne lésine pas sur les manœuvres ! Puis on rentre au port et on prend un repos bien mérité, au bistrot ou dans son lit. Et, parfois, si le temps est mauvais, on repousse la sortie à un autre jour.

    En voyage, la priorité est de s’économiser, car le risque est la fatigue, qui fait reporter les décisions ou rend les gestes moins sûrs. Tout d’abord, sauf en solitaire où ce n’est pas possible, il faut veiller toutes les 10 à 15 minutes, jour et nuit, par un tour d’horizon. Il y a donc toujours quelqu’un de quart. A 2 équipiers, cela représente pour chacun 12 H de quart par jour ; au minimum, car il faut ajouter les manœuvres faites à 2. Il est important pour la sécurité d’être toujours en capacité de manœuvrer, de jour comme de nuit. L’objectif de base est donc de gérer son sommeil. Moins le bateau a besoin de nous et plus la vie est douce ! Quand c’est dur, on retrouve avec bonheur sa couchette confortable, à l’heure où l’autre la libère. En fait, à 2, en navigation au long cours, on se voit peu ! Quant à la météo, on met toutes les chances de son côté en choisissant la date de départ et la route à suivre, mais, quand on est loin de tout, on assume, quelques soient les circonstances et les difficultés. Si par hasard on a marre du vent trop fort, des vagues mauvaises, du bateau qui cogne et qui mouille, ou au contraire, du calme et du bateau qui n’avance pas, pas de solution de repli, on fait avec… et l’on travaille dans tous les cas à la qualité de la vie, car on est là pour ça !

    En fait, chaque bateau a son charme et sa personnalité, ses qualités et ses défauts, mais tous ouvrent la porte du rêve d’évasion et offrent l’immense liberté du marin sur la vaste mer… avec la responsabilité qui l’accompagne.

     En voyage, il y a la magie de la contemplation. Il y a le beau temps, le soleil, le paysage de la mer, toujours recommencé ; il y a la nuit, la lune et ses quartiers, il y a le ciel et les nuages, les couleurs et les éclairages, qui changent selon la météo et la latitude ; il y a les  étoiles, qui tournent autour de la polaire au fur et à mesure de l’avancée de la nuit, la voie lactée… Il y a les oiseaux, les animaux marins, qui sont curieux et ont moins peur des humains qu’à terre. Et le bateau qui joue avec les éléments et se débrouille pour tailler sa route, et sans polluer la planète, tout simplement comme on le fait depuis des siècles…

     En fait, loin de tout, on se retrouve face à soi même. Moments d’isolement, de silence ; durée du temps qui passe, sans limite proche, sans intervention extérieure. Belle expérience. Méditation, réflexion, lecture si le temps le permet ; gestion du stress, aussi, et rencontre avec sa fragilité, sur tous les plans, car il faut être autonome matériellement et aussi psychiquement. Certes il faut être bricoleur car il y a toujours quelque chose à entretenir ou réparer, mais, au-delà du matériel, le voyage en mer façonne l’âme du voyageur…

     Une expérience, aussi, d’être à 2, 24 H sur 24. Nous n’avions jamais passé autant de temps ensemble ! Et c’est une belle expérience de se connaître sur le bout du doigt, de se compléter, de s’aider et de s’aimer, après plus de 4 dizaines d’années ! S’il est vrai que l’amour est la construction de l’unité dans la différence, la durée implique d’apprendre à gérer la différence dans le respect mutuel. De ce point de vue c’est une expérience particulièrement adaptée aux problèmes du monde d’aujourd’hui !

     Des questions existentielles, aussi : est-ce égoïste de partir vivre sur son bateau ? N’y a-t-il pas mieux à faire pour le monde et pour les autres ? Il n’y a jamais de réponse univoque à ce type de question. Outre que j’ai – Jean-Luc - beaucoup essayé de changer le monde, avec souvent un succès modeste, j’ai longtemps eu envie d’écrire sur ce que je crois avoir compris des humains, et je m’étais figuré que je pouvais caser quelques heures d’écriture entre 2 réunions, politiques ou autres. Mais ce n’est pas possible ! Pour écrire, il me faut plusieurs jours de calme et de concentration, pour maîtriser la réflexion et la formuler. Alors là, dans un mouillage de rêve, interrompu seulement par le moment de baignade, j’ai travaillé les 2 derniers chapitres de mon bouquin. En rentrant, restera à trouver un éditeur. Est-ce pour moi ? Est-ce pour les autres ? J’ai l’impression que c’est ce que je peux donner aujourd’hui. Celui qui prend a l’impression qu’il donne, dit Léo Ferré… Débrouille toi avec ça… si tu peux !

     Sur le plan technique, notre voyage confirme qu’il faut être bricoleur et le plus autonome possible. Nous avons eu bien des réparations à effectuer et nous avons dû changer notre programme, mais nous sommes loin d’être les seuls ! Beaucoup ont eu des ennuis techniques et mécaniques et il souvent bien difficile de trouver les pièces pour réparer.

     Sur le plan météo et navigation, nous avons bénéficié des moyens modernes, et nous sommes vraiment dans une ère nouvelle, qui permet de traverser les océans avec moins de danger et plus de confort. Nous avons pris des GRIB en WIFI, gratuitement, avant de partir : ils donnent des vecteurs de vent à 16 jours. Certes, il faut s’attendre à des adaptations au fur et à mesure que l’échéance s’allonge, mais les prévisions sont assez fiables à court terme et donnent de bonnes indications pour la suite. En mer, pour compléter, nous avons pris des GRIB par Inmarsat C, plus restreints parce que le coût de transmission est élevé. Mais cela nous a permis, entre la Martinique et les Açores, de contourner l’anticyclone par l’ouest et le nord, puis de nous protéger de 3 dépressions, dont une très creuse, en redescendant vers le Sud-Est, avant de remonter au Nord vers Sao Miguel. Nous avons sérieusement rallongé la route, mais nous avons évité d’abord les calmes et, ensuite, la tempête. Nous avons mis 22 jours, uniquement à la voile. D’autres sont allés tout droit et ont mis 19 jours depuis la Martinique, mais avec 3 à 5 jours de moteur. Les moyens météo et de communication moderne ne servent pas seulement à essayer de gagner les courses, mais aussi, plus sagement, à traverser à la voile en limitant autant que possible les difficultés et les risques.

     Les moments magiques, comme cette fin d’après-midi avec une baleine ou au mouillage, dans la magnifique Baie du Trésor, dans les Tobago Cays ou à l’îlot Petit Tabac, à se baigner pour contempler le corail et les poissons multicolores, comme, auparavant, les rhododendrons géants du paradis de Glengariff, en Irlande, les mouillages du Golfe du Morbihan au coucher du soleil, ou encore les volcans de Lanzarote…

     Et les escales... Pour découvrir, il faut qu’elles soient longues. Nous avons passé plusieurs mois en Martinique. Voir le pays, sentir l’ambiance, rencontrer les gens et s’apprivoiser pour connaître. Nous avons eu la chance d’être accueillis magnifiquement par les amis martiniquais de Dominique et devenir à notre tour leurs amis. Nous avons vécu de bien belles rencontres avec Marie-Madeleine et Livia, Marco et Guetty, et leurs amis. Aussi avec Hervé et Christine, des caennais rencontrés par hasard, puis Jean-François, nomade des mers plein d’expériences et de vie…

     Nous avons senti le poids de l’histoire de l’esclavage qui pèse encore lourdement et est sans doute à la source de nombreux troubles psychiques dans la société martiniquaise. Les hommes étaient séparés des femmes, les familles ont été décomposées, et beaucoup d’enfants des générations passées n’ont pas eu accès à leurs origines réelles…

     Et la pesanteur et la bureaucratie ; un paquet bloqué 2 mois à la douane, alors qu’il n’y avait même pas de taxe à payer. La plupart des martiniquais sont fatalistes devant ce qui dysfonctionne.
Mais aussi la gentillesse des vieux, et des jeunes qui veulent construire une nouvelle société martiniquaise, et qui le font avec talent, et avec leur sourire…

     Et les histoires de vie des marins voyageurs rencontrés. Quand le courant passe, on va à l’essentiel, car on se découvre et on se quitte aussi vite. Celui qui a fait un héritage d’un million d’Euros il y a 40 ans,  a acheté une ferme au Canada dans une région de production de maïs. Il a bûché dur avec ses fils, mais les cours du maïs se sont effondrés. Il a perdu 100 000 Euros par an pendant 10 ans. Puis il a tout quitté et sans le sou, il a construit son bateau. Et cela fait 25 ans qu’il navigue, entre les Canaries et les Antilles. Pour nous qui avons été élevés dans l’idéologie du travail et de la production, quelle est sa plus belle vie ?

     Et la magnifique semaine que nous avons passée avec Patrick, canadien-français, vieille amitié familiale ; moment longtemps attendu après des rencontres furtives  depuis 5 ou 6 dizaines d’années ! Echanges et fraternité, sur la magnifique côte au vent de la Martinique.

   Etonnantes, aussi,  les nombreuses rencontres d’amis, anciens ou nouveaux, et voisins du Calvados : Fabrice, Nathalie, Yves, Léna, et leurs amis, puis Christine et Hervé, et, aux Açores Henri, Geneviève et leurs amis bretons Brice et Régine, puis retrouvailles très amicales avec Patrice Quesnel, capitaine de l’Alcyone du Commansant Cousteau, et son équipe, Catherine, Jacques et Jean.

Et voilà un an de passé. Il nous reste à remercier.

     Merci à ceux qui nous ont encouragé à partir, en particulier Gildas, Emilien, Claire, Carole, Danièle, Philippe, Christian,  Annick, Jean-Pierre, Annie, Pascale, Laurent, Léa, David, Jean-Pierre, Françoise, Yves, Léna, Fabrice, Natalie, Colette, Marc, Dominique, Georges, Daniel, Jean-Louis, Christine, Patrick, Martine, Pierre-François…

     Merci à ceux qui nous ont aidés techniquement sur un plan ou sur un autre, en particulier Christian, Laurent, Patrice, Danièle, Patrick, Dominique, Fabrice, Natalie, Jean-François, Philippe, Patrick, Patrice…

       Merci à ceux qui nous ont accueillis en Irlande et en Martinique, en particulier Marie-Madeleine, Dominique, Livia, Marco, Guetty, et leurs amis, ou encore Lucie à Carriacou…
Merci à ceux qui sont venus partager un moment ou une tranche de navigation sur le bateau, Dominique, Christian, Danièle, Gildas, Claire, Colette, Marc, Marie-Madeleine, Livia, Patrick, Hervé, Christine, Ian, Claude, Annie…

     Merci aux navigateurs rencontrés, avec qui nous avons passé de beaux moments aux escales, en particulier Andy, Diego, Magdalena, Adriana, Aurora, Fabrice, Nathalie, Yves, Léna, Jean-François, Philippe,  Henri, Geneviève, Brice, Régine , Stroyan, Patrice, Catherine, Jacques, Jean, Patrick, Pierre, Florian…

    Merci à ceux qui nous ont encouragés à poursuivre régulièrement le Blog, en particulier Laurent, Patrice, Geneviève, Marie et les anonymes…

    Et merci aux vagabonds de la mer rencontrés sur le chemin et qui nous ont empli le cœur. Andy, Diego, Magdalena, Adriana, Aurora, Jean-François, Philippe, Stroyan... si vous lisez ces lignes, sachez que nous vous aimons !

     Amis de la mer et du voyage, continuons à regarder au loin !







   



             Jean-Luc



















                 et Nicole





dimanche 3 juillet 2016

Martinique - Açores mai-juin 2016



Nous sommes finalement partis de Martinique le samedi 14 mai 2016. La navigation n’a pas été particulièrement facile : une semaine d’alizés soutenus, une semaine de vent faible, puis une semaine avec des dépressions d’ouest, qui passaient plus bas qu’habituellement. Nous avons mis 22 jours, uniquement à la voile. D’autres ont mis 19 jours, avec un bateau plus grand et 5 jours de moteur.
















Nous sommes d’abord montés au Nord, pour contourner les anticyclones par l’ouest et avoir du vent portant...








































































Nous avons pleinement bénéficié de notre équipement météo, pour naviguer sans trop de difficulté, car les dépressions qui partent du golfe du Saint-Laurent et montent habituellement vers le Nord-Est, sont descendues vers le Sud-Est jusqu’aux Açores. Il y a eu 3 dépressions, dont une très creuse, avec des vents de 55 à 60 Nœuds annoncés. Nous sommes donc redescendus vers le sud, en gagnant vers l’Est, afin de nous protéger et d’avoir des conditions qui restent maniables. 








Nous avons donc bien rallongé la route, mais nous sommes arrivés sans encombre, après quand même quelques grains, dont un à 45 nœuds, qui ont eu raison de notre pavillon tricolore.





































Compte tenu des dépressions très basses, nous sommes allés à l’île de Sao Miguel, dans le groupe du Sud. Là, nous avons d’abord pris le temps de nous reposer et de bricoler. Nous y avons rencontrés de nouveaux et de vieux amis, dont plusieurs de notre région : Geneviève et Henri, de Deauville, venus sur leur RM 12,70 avec leurs amis Brice et Régine de Concarneau ; Stroyan, le hongrois, encore un vagabond des mers, solitaire.


















































































































































Des retrouvailles très amicales avec 
Patrice, le capitaine de l’Alcyone du Commandant Cousteau, côtoyé épisodiquement depuis les années 70, sa femme Catherine et ses amis Jacques et Jean.





























Nous avons passé une semaine de mouillage en mouillage, à tenter d’épuiser la bibliothèque emportée. 

Le cratère du volcan de Vila Franca di Campo crée une petite île, avec un lagon ouvert, qui forme une piscine naturelle








ou encore Ribeira Quente, un petit port et un village du bout du monde, tranquille, paisible et sympathique.










































































































Nous avons accueilli également Claude, Danièle et Annie, pour une soirée sur le bateau, et de grandes ballades dans l’île. 






   











Les lacs vert et bleu de Sete Citades, 






















































































































la petite anse rocheuse de Punta Ferraia, avec ses sources chaudes dans la mer,


















































les fumerolles sulfureuses de Furnas, la piscine chaude et ferrugineuse du Parc de Terra Nostra,





































les plantations de thé, les seules d’Europe, 


























































l’exposition de peinture de Domingo Rébèlo, qui est allé vivre quelques années parmi ses pairs à Monmartre, puis est revenu vivre sur son île pour la peindre,






































et, bien sûr, les églises, qui foisonnent dans le pays.










Enfin, notre vieux compagnon de mer, Christian, nous a rejoint pour l’étape qui nous ramène en France